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Interview avec la fondatrice d'Origine


Pour comprendre d'où vient Origine, voici un entretien avec Gabriella, fondatrice d'Origine. 


Quel âge as-tu et quel est ton parcours ?


J’ai 24 ans et je vis à Paris. Dès l’obtention de mon baccalauréat je me suis tournée vers des études de droit mais je me suis réorientée car elles ne me correspondaient pas. J’ai ensuite fait une licence de journalisme et communication avec une mineure entrepreneuriat. Pendant une expérience professionnelle j’ai réalisé que j’avais envie d’évoluer dans l’entrepreneuriat. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi des masters en entrepreneuriat. J’ai fait l’EM Lyon Business School et là je viens tout juste d’intégrer HEC.


À quel âge as-tu été adoptée ?


J’ai été adoptée début 1996, j’avais 3 mois et demi lorsque mes parents sont venus me chercher.


À quel âge as-tu compris que tu avais été adoptée ?


On me pose souvent cette question et je dois dire que je ne m’en rappelle pas. Ça a été très naturel. Comme on explique aux enfants comment on fait les enfants, à moi on m’a expliqué que j’avais une maman de l’autre côté de l’océan qui ne pouvait pas me garder mais qu’elle m’aimait très fort.


À quel âge as-tu commencé à te poser des questions sur ton adoption ?


Vers 8-9 ans j’ai commencé à être très curieuse et ça ne s’est jamais arrêté jusqu'à ce que je retrouve ma mère biologique.


Il y a-t-il eu un élément déclencheur ?


Oui ! C'est lorsque j'ai demandé à mes parents de m'emmener à un événement qu’organisait la fondation par laquelle ils m’avaient adopté. J’avais 15 ans et j’ai rencontré deux filles, adoptées elles aussi en Colombie. Je me rappelle qu’on a parlé de nos adoptions et j’ai très vite senti qu’elles éprouvaient une rancœur envers leurs mères biologiques de les avoir abandonnées. Cette rencontre a été un déclic pour moi car je me suis rendue compte que je ressentais tout l’inverse. Je voulais rencontrer ma mère biologique pour lui dire merci, lui dire que j’allais bien, que j’étais vivante et que je vivais entourée d’une famille aimante.


Quelles questions te posais-tu le plus quand tu étais enfant ?


Je demandais pourquoi, à qui je ressemblais, pourquoi est ce que j’avais été abandonnée petite alors que mes amies avaient elles, leurs familles biologiques. Je me suis demandée étant adolescente si ma mère biologique était quelqu'un de bien et inconsciemment si j’avais fait quelque chose de mal.


Quelles questions posais-tu le plus à tes parents adoptifs enfant ?


Comment s’était fait l‘adoption, comment ils m’avaient reçu, qui était présent, pourquoi est ce qu’ils avaient décidé d’adopter. Je suis de nature très curieuse je posais donc souvent des questions.


Comment as-tu testé les limites de tes parents adoptifs (enfant ou dans ton adolescence) ?


C’était souvent de la quête d’amour. Avec du recul, j’ai compris que c’était pour voir s'ils m’aimaient vraiment et s'ils n’allaient pas eux aussi m’abandonner à leur tour. Je crois que j'étais souvent jalouse bêtement de mon frère. Je faisais des bêtises par ci par là pour voir s’ils restaient malgré tout. Et puis j’avais envie d’aider les gens, alors à mon échelle j’essayais d’aider ceux autour de moi qui étaient en détresse. Mais bon j’ai compris avec le temps que malheureusement ce n'était pas possible.


À quel âge as-tu décidé que tu allais faire des recherches pour retrouver ta famille biologique ?


Depuis petite, je disais déjà qu'adolescente je voulais retrouver ma mère biologique. À quinze ans quand j’ai rencontré les deux filles qui avaient mon âge je savais à ce moment-là que je voulais retrouver ma mère biologique pour la rassurer. Mais la législation fait qu’un enfant adopté est obligé d'attendre sa majorité pour retrouver sa famille biologique. J'ai donc dû patienter jusqu'à mes dix-huit ans pour commencer les recherches.


Quelles étaient tes attentes dans ta recherche ?


Je pense que j'attendais d'avoir des réponses, de savoir qui était ma famille biologique, savoir à qui je ressemblais, savoir d'où je venais en quelques sortes.


Tes parents adoptifs t'ont-ils accompagnés dans la recherche de tes origines ?


Oui, bien sûr mes parents adoptifs étaient au courant depuis longtemps des recherches que je voulais faire. Depuis que je suis adolescente, ils me disent qu'ils vont être là, que je peux leur parler de mes d'interrogations et qu'ils m'aideront. Lorsque j'ai commencé les recherches, mes parents étaient présents pour moi si j'avais besoin de parler.


Comment ta famille adoptive a vécue cette envie de retrouver tes origines ?


J'ai tenté au mieux de protéger ma famille adoptive. Mes parents ont toujours dit que quand on adopte on a conscience que l'enfant a une histoire propre à lui et qu'il peut être amené un jour à vouloir se reconnecter avec cette famille. Ils étaient donc prêts. Je leur ai aussi beaucoup parlé, je les ai beaucoup rassuré sur la quête de ma famille biologique. Ce n'était pas pour trouver une nouvelle famille. C'était surtout pour avoir des réponses et comprendre comment me construire par la suite.


Combien de temps ont duré tes recherches ?


J'ai commencé mes recherches trois jours après mes 18 ans. J'ai fait une demande aux services sociaux colombiens. Au bout d'un mois et demi, j'ai reçu un dossier d'adoption, quelques jours avant Noël. Je l'ai ouvert avec mon père et on a parcouru les quelques pages du dossier. J'ai par la suite attendu car un détective engagé par les services sociaux était chargé de retrouver ma mère biologique. Cependant au bout de trois mois il m'a annoncé qu'il ne l'a retrouvait pas, il pensait qu'elle avait disparu. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à faire mes recherches sur Facebook. Je l'ai retrouvé fin février 2014. Mes recherches se sont donc étendues de fin novembre 2013 à fin février 2014.


Comment as-tu retrouvé ta famille biologique ?


Comme je le disais, à l'époque j'avais un dossier et le détective n'a pas retrouvé ma mère biologique. Je l'ai donc cherché sur Facebook. J'avais un nom, un prénom, un âge approximatif et une ville. J'ai donc parcouru plusieurs profils Facebook, pendant deux semaines. J'ai fini par tomber sur un profil qui correspondait par le prénom, le nom de famille, la ville et par l'âge approximatif que je pouvais donner à cette femme sur les photos. De plus, dans le dossier que j'avais reçu il était mentionné que ma mère biologique avait eu un enfant un an et demi auparavant, une fille. Sur les photos du profil Facebook que j'avais trouvé il y avait une fille qui me ressemblait un petit peu, qui avait des airs familiers et qui avait à peu près mon âge. J'ai décidé de l'ajouter en amie en pensant qu'elle me reconnaîtrait à travers les photos. Elle a accepté ma demande au bout de quelques jours. J'ai attendu qu'elle m'écrive mais elle ne l'a pas fait. J'étais rongée par la curiosité et j'ai décidé de lui écrire : « Bonsoir je ne sais pas par où commencer, je ne sais même pas si vous savez qui je suis ». Ce à quoi elle m'a répondu : « Bonsoir tu peux commencer par me dire qui tu es ». J'ai alors ressenti une immense déception parce que dans les séries ou dans les films que l'on regarde on est persuadé que lorsqu'une mère retrouve son enfant dix-huit ans, trente ans après, elle le reconnaît malgré tout grâce au lien biologique, au lien du sang. Mais ça ce n'est que dans les films. Je lui ai alors dit : "Je suis née le 29 novembre 1995 sous le nom de Louisa à Bogotá en Colombie ». Elle m'a répondu en majuscule et elle m'a dit : "Je sais qui tu es, j'ai toujours pensé à toi. J'ai beaucoup prié pour toi à tes anniversaires. J'ai beaucoup regretté ma décision”. À ce moment-là j'ai ressenti une forte émotion, c'était une machine à laver de sentiments. J'avais envie de lui dire énormément de choses. Elle aussi je suppose. Mais nous avons pris le temps de faire connaissance, de repartir de zéro le 24 février 2014.

J'ai découvert ma mère biologique mais j'ai également découvert que cette fille qui était née un an et demi avant moi était en fait ma sœur biologique. J'ai passé six mois à faire connaissance avec elles deux et le reste de la famille.

En juillet 2014 je suis partie en Colombie seule pour les rencontrer. Pour la première fois, j'ai passé un mois et demi avec elles. La rencontre s'est fait naturellement et j'ai tissé beaucoup de liens, surtout avec ma sœur. À mes yeux, c'est la relation la plus pure étant donné que nous étions bébés et que nous avons été séparées sans rien demander. La vie a fait que nous avons pu nous retrouver. Nous en sommes très reconnaissantes et nous partageons des moments ensemble dès que nous le pouvons.


As-tu été déçue à certains moments pendant ta recherche ?


J'ai été déçue à plusieurs reprises. La première fois, lorsque le détective m'a dit qu'il ne retrouvait pas ma mère biologique. Mais je l'ai pris comme une motivation. Je me disais que c'était impossible qu'elle ait disparu et que je devais continuer à la rechercher.

La deuxième fois c'est lorsque je l'ai retrouvé sur Facebook en parcourant son profil alors que nous n'étions pas amies. J'ai pu voir une photo d'elle avec deux enfants et la légende décrivait une famille heureuse. Je n'ai pas pu m'empêcher de me dire que je comprenais pas pourquoi moi j'avais été abandonnée alors qu'elle avait eu des enfants à côté et que moi elle ne m'avait pas gardé.

La troisième fois c'était lorsque je l'ai contacté pour la première fois. Elle ne m'a pas reconnue avec les photos Facebook, elle m'a seulement reconnue lorsque je lui ai dit que j'étais née le 29 novembre 1995 sous le nom de Louisa à Bogota en Colombie.


Qu’est-ce qui a été été le plus difficile dans la recherche de tes origines ?


Je pense que c'est surtout l'accompagnement psychologique qui est difficile parce qu'on est souvent seul dans cette démarche. Même si des proches ou des amis nous entourent, ils ne comprendront jamais vraiment ce que l'on ressent, ce à quoi l'on pense.

Le plus dur a été de me me dire que peut-être je ne la retrouverai pas, peut-être qu'elle ne voudrait pas me parler et que je vive un deuxième rejet.


Comment sont tes relations avec ta famille biologique aujourd’hui ?


Aujourd'hui, six ans après les avoir retrouvé je suis très proche de ma sœur qui a deux filles. Je suis tata et j'ai une bonne relation avec ma mère biologique. Il m'a fallu du temps pour trouver le juste milieu car ce n'est pas une simple amie. Je lui dois la vie mais la place de mère quelqu'un l'a déjà dans ma vie. Il nous a fallu quelques années pour ajuster et trouver le bon équilibre qui nous correspond à toutes les deux.


As-tu des conseils à donner à quelqu’un qui cherche ses origines ?


Je pense que le premier conseil que je donnerai est d'en parler et surtout d'en parler aux parents adoptifs. Je sais que pour certaines familles il s'agit encore d'un sujet tabou, gênant à aborder mais je pense que les parents pour qui c'est un sujet difficile c'est surtout à cause de la peur. Je conseillerais aux enfants adoptés de prendre le temps de les rassurer, de leur expliquer qu'ils ne recherchent pas une nouvelle famille, qu'ils recherchent des réponses et qu'ils ont besoin de ces réponses parfois pour se construire. Je n'encourage pas tous les enfants adoptés à retrouver leur famille biologique, chaque personne vit l'adoption comme elle l'entend. Cependant si vous ressentez l'envie ou le besoin de retrouver votre famille biologique, faites le. Ne restez pas sans réponses. On a parfois besoin de savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va.


Quelles forces tires-tu de ton adoption ?


Ma sœur biologique et moi sommes issues d'un viol. Pourtant lorsque j'ai ouvert mon dossier d'adoption que j'ai reçu à mes 18 ans il y avait marqué qu'il s'agissait d'un couple jeune qui n'avait pas les moyens. Ma mère biologique n'a donc pas eu un une enfance rose et la séparation avec moi s’est faite dans la douleur. Cependant si j'ai appris quelque chose de mon adoption et des retrouvailles avec ma famille biologique c'est que l'abandon pour moi est avant tout une preuve d'amour, de force et de courage. D'une part venant de ma mère biologique qui a dû sacrifier énormément de choses et qui a beaucoup souffert et de l'autre côté de la part de ma famille adoptive qui s'est tourné vers l'adoption pour fonder une famille. Pour moi, les liens du sang ne veulent pas dire grand-chose. J'ai appris à remettre en cause cette filiation biologique pour pouvoir réaliser que des parents sont ceux qui veulent de vous, vous éduque, qui sont là pour vous, pour sécher vos larmes et pour vous aimer. Il n'y a pas d'abandon sans histoire triste. J'ai conscience que beaucoup d'adoptions ne se passent pas comme la mienne. Mais pour moi il y a avant tout du positif dans l'adoption et c'est cela que j'ai envie de transmettre.


Qu’est-ce qui te rend heureuse dans la création d’Origine ?


Origine a été pour moi la continuité de mon parcours personnel et une consécration professionnelle. Depuis ma conférence TEDx, j'ai eu envie de créer un projet pour aider les enfants adoptés comme moi dans leurs questionnements, dans leurs interrogations et dans leur quête de leur famille biologique. Aujourd'hui cela fait un peu plus d'un an qu'Origine a été créé et je suis épanouie pour plusieurs raisons. Premièrement car je fais quelque chose qui me passionne. Je suis de nature très altruiste et aider les gens, me sentir me sentir utile au quotidien est très important à mes yeux. Deuxièmement, je viens en aide à plusieurs personnes adoptées. Je remarque qu’il y a beaucoup à faire et qu’il faut faire bouger les lignes. L’adoption ne devrait pas être une tare ou un sujet tabou. Avec Origine nous n'incitons pas les personnes adoptées à faire les recherches mais nous donnons une lueur d’espoir et une opportunité à ceux qui souhaitent les faire.


Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à les poser en commentaires !

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